Révélation: la vraie nature du lecteur

Alain-Marie Carron
2 min readNov 26, 2018

Cher auteur, le lecteur n’est pas tout à fait ce que vous croyez.

Il est convenu aujourd’hui que la nature humaine est partout la même. Le grand Hugo à fait très fort, dès 1856, pour populariser cette idée. Écoutez-le, dans la préface du recueil de poèmes intitulé Les Contemplations: « Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis ; la destinée est une. Prenez donc ce miroir, et regardez-vous-y. On se plaint quelquefois des écrivains qui disent moi. Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas ! quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi ! ».

Tir ajusté. Le ballon atterrit en plein dans la lucarne du gardien de l’équipe adverse, un certain Blaise Pascal, qui affirmait environ deux siècles auparavant que « le moi est haïssable ». Pascal le rigoriste, qui pense que parler de soi, ou dire « je », c’est déjà une faute de goût, voire un péché de vanité. Dans mon enfance, les bons pères qui ont tenté de m’éduquer ne disaient pas autre chose.

En revanche, le message du Père Hugo, éminemment moderne, a été reçu cinq sur cinq par toute la plumocratie française. Résultat, depuis des décennies la littérature gratte-nombril déferle sur nous d’un bout de l’année à l’autre.

Comme je m’occupe surtout d’écriture dans un contexte professionnel, je m’abstiendrais de rappeler que tout le monde n’est pas Hugo, Proust ou Scott Fitzgerald.

Le lecteur est un autre vous-même, d’accord. Mais ce n’est pas le « vous-même » auquel vous pensez. Au moment où il s’apprête à lire votre texte (il en a peut-être déjà lu 10 depuis le début de la journée et il sait confusément qu’il en aura sans doute une dizaine d’autres à lire avant de rentrer chez lui ce soir) il pense à lui et pas à vous. En fait, il y a bien deux chances sur trois pour qu’il n’est pas envie de vous lire.

Soyez lucide, votre lecteur potentiel n’est pas « l’ami public numéro un ». Il est, comme vous et moi devant une sollicitation extérieure :

  • Paresseux
  • Égocentrique
  • Peu attentif
  • Pressé
  • Émotif

Que des bonnes nouvelles !

« Prenez donc ce miroir » comme dit Hugo; il vous fera prendre conscience des barrières psychologiques que vous devrez franchir avant d’être lu. Mais rassurez-vous, c’est possible. Restez à l’écoute, les solutions arrivent.

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Alain-Marie Carron

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